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Article #166 : La séparation des mondes

Séparation USA-Mexique

S’il est des endroits sur terre qui m’ont pris à la gorge pendant mes 30 mois de pérégrinations, Tijuana fait sans aucun doute partie de l’un d’entre eux. Après plus de 10 mois passés aux Etats-Unis, première puissance économique mondiale, où l’abondance et la volonté d’avoir toujours plus frôlent parfois l’indécence, me revoilà aujourd’hui au Mexique, à retrouver la difficile réalité du tiers-monde. Jamais de ma courte vie je n’ai pu voir 2 mondes tellement différents, juxtaposés l’un à côté de l’autre, comme il est possible de le faire à la frontière la plus fréquentée du monde : celle du Mexique et des Etats-Unis.

Je suis aujourd’hui à Tijuana, capitale de l’Etat de Baja California. Tijuana, c’est avant tout la porte d’entrée du rêve Américain, cette porte que tant de jeunes ou moins jeunes, venus de toute l’Amérique Latine dans l’espérance d’une vie meilleure avec plus d’opportunités et d’argent, aimeraient pouvoir ouvrir. Une porte dont peu ont les clés, laissant de nombreux rêveurs sur le paillasson. Si la ville de San Diego en Californie n’est qu’à 25 kms de distance, elle paraît pour certains se situer à l’infini ; et pour cause, elle est dans l’autre monde, le premier monde, celui qui se situe de l’autre côté du mur.

Oui, un mur. Afin de contenir l’afflux d’immigrés clandestins grandissant à un rythme inquiétant (les Latinos sont aujourd’hui la principale minorité ethnique -soit plus nombreux que les noirs- et devraient dépasser le nombre de blancs vers l’année 2050, selon les estimations), le gouvernement a décidé il y a quelques années d’installer un mur séparant les 2 frontières. Ce mur ne va aujourd’hui que jusqu’à la limite de la Californie et de l’Arizona, mais il se pourrait bien qu’il soit prolongé sur toute la frontière, qui s’étend sur plus de 2000 kms jusqu’au Texas.

Quelques photos, ci-dessous, de ce mur et de cette séparation des 2 mondes. A gauche, le premier monde, à droite, le tiers-monde…

Photo d’une des nombreuses collines jonchées de nombreux abris de fortune, à droite du mur.

De l’autre côté, les patrouilleurs sont vigilants et prêts à intervenir. Les voitures et les hélicoptères tentent de repérer les immigrants clandestins…

Christian, jeune Mexicain de 25 ans, fraîchement sorti de l’université de Tijuana, me raconte : « Je fais partie de ces rêveurs frustrés. J’ai pour ma part la chance d’avoir fait des études mais trouver un boulot payé correctement ici est chose très difficile. Je serais bien sûr l’homme le plus heureux du monde si je réussissais à obtenir un travail de l’autre côté, les opportunités y sont bien plus nombreuses et les salaires bien meilleurs ; mais je ne veux pas risquer ma vie comme tant d’autres pour cela »

Risquer sa vie. Les Latinos prêts à risquer leur vie dans l’espoir de permettre à leurs enfants d’avoir une vie future meilleure que la leur sont bien nombreux, et le nombre de morts augmente chaque année. Les photos poignantes de croix et de cercueils donnant le nombre de morts par année, ci-dessous, parlent d’elles-mêmes…certaines croix portent le nom de la victime, d’autres ont simplement un « No identificado »…

Des dessins poignants ont été apposés sur le mur :

Les cercueils apposés sur le mur donnent le nombre de victimes pour chaque année :

Une tombe réalisée pour l’immigrant mort non identifié et oublié de tous :

¿Cuántos más ? Une question poignante demandant combien d’immigrés Latino-américains vont encore périr lors de la traversée de la frontière.

La manière la plus fréquente pour passer de l’autre côté de façon illégale reste le désert en Arizona, où il n’y a que peu de contrôle. Certains marchent plusieurs jours, voire semaines, avant de retrouver la civilisation. Beaucoup, malheureusement, n’atteindront jamais la première ville et s’effondreront seuls, sans aide et sans ressources dans le grand désert. Les paroles de Juan, ce chauffeur de poids lourd Mexicain qui m’avait pris en stop avant que j’arrive aux USA me resteront toujours en tête :

Moi, la traversée illégale, je la connais ; j’ai traversé le Rio Bravo (appelé aussi Rio Grande) il y a 10 ans et ai vécu 2 ans aux Etats-Unis. Je voulais comme tout le monde connaître le rêve Américain mais ne pouvais pas avoir de papiers ; je l’ai donc joué à l’aventure avec des amis. Nous avions bien préparé notre coup, nous connaissions les endroits où il n’y a que peu de surveillance. La traversée à la nage du Rio Grande nous a pris 1h30, elle est très dangereuse ; un de mes amis est décédé, pris dans le courant ; il était trop fatigué pour lutter contre le courant, souvent très fort. Arrivés de l’autre côté, nous avons dû marcher 4 jours dans le désert d’Arizona avant de rencontrer un petit village comme nous l’avions prévu. Nous avions de la nourriture suffisante dans nos sacs à dos. Sur le chemin dans le désert, j’ai vu plusieurs personnes décédées et parfois des os d’humains dévorés par les animaux. Une des difficultés était d’éviter les nombreux serpents très venimeux. J’ai vécu 2 ans aux Etats-Unis mais je n’ai pas aimé, j’étais mal traité et me suis rendu compte que je préférais vivre au Mexique, même avec moins d’argent“. Comme Juan, de nombreux Mexicains mais aussi autres latino-Américains tentent leur chance et connaissent des fortunes diverses dans leur entreprise. La plupart des latinos, contrairement à Juan, estiment que leur vie est meilleure aux Etats-Unis et souhaitent y rester.

2 photos pour terminer :

Celle d’un panneau apposé sur le mur : “Le point où émerge la séparation des mondes. Pour les victimes de l’espérance

Et celle d’un trou au milieu du mur, d’où beaucoup regardent le rêve Américain…de loin…

A bientôt…

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